En novembre dernier, nous avons lancé une démarche de concertation citoyenne à Grenoble.
A l’initiative du Réseau Citoyen de Grenoble et de Grenoblois et Grenobloises motivés, j’ai participé à l’organisation de trois réunions publiques à la Maison des Habitants Capuche et d’une réunion bilan. Elles ont rassemblé en tout une soixantaine de volontaires de tout âge et de tout horizon : Abbaye, Saint-Bruno, Villeneuve, Île-Verte, Capuche, Centre-Gare, …
Ces temps ont permis à ces habitants et habitantes attachés à leur ville d’échanger sur ce qui leur plaît et sur ce qui les préoccupe à Grenoble aujourd’hui et pour l’avenir. L’animation en sous-groupes, avec la méthode des chapeaux de Bono, a permis à chacune et chacun de s’exprimer et d’aborder les sujets sous différents angles : une table pour le positif, une pour le négatif, celle pour les émotions, et celle de la créativité.
Nuage de mots issus de la méthode des chapeaux de Bono sur la thématique « Emotions »
Ce qui nous a marqués lors de ces temps est l’attachement profond de tous les participants à Grenoble. Les causes évoquées ont été nombreuses: le lien à la nature, le fourmillement associatif, l’énergie qui traverse la ville, la taille humaine, la place de la recherche scientifique et sociale, la place du vélo, la qualité de vie… 9 idées exprimées sur 10 étaient positives sur notre ville, avec une véritable fierté d’être grenoblois. Une envie de faire vivre le lien social s’exprimait dans les différents groupes. “Il faut que Grenoble soit une ville où tout le monde puisse vivre ensemble sans différence sociale, de genre ou d’âge”, “il faut ouvrir la discussion entre les gens”, “il faut donner confiance aux jeunes”…
Nuage de mots issus de la méthode des chapeaux de Bono sur la thématique des « points positifs »
Nous avons constaté aussi l’expression d’inquiétudes : un souci pour la sécurité, ainsi que – et très souvent en association – la question de l’image de la ville à l’extérieur de Grenoble. Nombre de participants ont souligné l’écart entre ce qu’ils connaissent de leur ville, et l’image qui en est donnée, notamment dans les médias. Une autre inquiétude, exprimée de façon récurrente, est celle de l’accès aux soins, et plus généralement de la santé des habitants. Et lors de la réunion bilan, les trois sujets suivants ont été cités : vitalité du centre-ville, lien ville – métro, et démocratie.
Ces sujets ne surprennent pas, ils traversent les discussions des Grenobloises et des Grenoblois. Une chose marquante lors de ces réunions est l’extraordinaire écoute de chacune et chacun sur ces thèmes – pourtant sensibles – la capacité à ne pas être d’accord et à pouvoir échanger. Un véritable dialogue, respectueux. Au moment où les dérives autoritaires fleurissent et où la politique nationale paraît à de nombreux citoyens inerte, illisible, ou confisquée, de tels espaces de dialogue deviennent une nécessité pour notre démocratie.
Ils sont d’autant plus importants qu’ils peuvent alimenter l’action publique et ainsi la parole des habitants recueillie vient contribuer aux réflexions autour du projet municipal que nous voulons co-construire. Sa valeur ajoutée est essentielle : élargir la prise de parole à d’autres citoyens que ceux que les partis touchent habituellement, ou qui sont coutumiers des réunions et des espaces traditionnels d’échanges.
Le prolongement de cette démarche se concentre, après les réunions publiques, sur les habitantes et habitants de Grenoble qui ont peu ou pas l’habitude de s’exprimer dans les espaces conventionnels, dans les réunions publiques, les organisations politiques, etc. Nous avons initié une approche, inspirée notamment du travail que réalise l’association Paris Collectif avec laquelle nous travaillons, pour prioriser les lieux, les moments et les méthodes qui nous permettent d’aller vers ces habitantes et habitants, en ciblant celles et ceux qu’on voit peu dans les espaces traditionnels, les femmes, parents, jeunes… Les premiers retours sont riches, et instructifs.
Une des clefs d’une démocratie vivante réside dans cet élargissement de la prise de parole à l’ensemble des habitants. Elle demande une bonne l’articulation entre tous les espaces dans lesquels se crée et se discute la chose publique. Si le Conseil Municipal est un lieu au cœur de la démocratie Grenobloise, il est certain que d’autres espaces – association, groupes locaux, partis politiques, réseaux et, même, entreprises – peuvent participer, eux aussi, de l’intérêt général. C’est bien leur action commune, en faveur de nos objectifs collectifs que sont la santé, l’autonomie, l’égalité… qui composent notre République.
Notre démarche vient amener sa pierre à l’édifice. Elle me permet de poursuivre la réflexion que j’ai déjà longuement pratiquée à l’échelle des coopératives : comment animer et articuler les différents espaces démocratiques et les faire collaborer.
Ce défi est essentiel, nous devons nous assurer que l’ensemble des parties prenantes du territoire prennent leur juste part dans l’intérêt général. Grenoble, par son histoire, ses habitants et ses habitantes, a les atouts pour le réussir. Et faire ainsi aboutir un modèle exemplaire de démocratie locale, partagée par le plus grand nombre de citoyennes, et de citoyens.
Laurence Ruffin